Catho
COMEDIE
DEPOT
S.A.C.D.
EMELINE
: La
jeune fille amoureuse
CHARLES-EDOUARD
:
Le père d’Emeline
MARIE-clothilde
:
La mère d’Emeline
JULES
:
Le soupirant à Emeline
CHARLOTTE
:
La soubrette
A l’intérieur
d’une somptueuse maison versaillaise, la mère est assise
sur le canapé en train de feuilleter un livre, pendant que sa
fille est installée dans un fauteuil en train d’écrire
une lettre.
Emeline
: Votre lecture est-elle intéressante ?
Marie-Clothilde
: Oui, c’est passionnant ! Je suis en train de
savourer « Britannicus » de Racine. Je ne me
lasse jamais de le lire…
Emeline
: Mère. Cela fait combien de fois que vous le relisez ?
Marie-Clothilde
: J’en suis à ma dix-septième lecture de ce
Chef-d’œuvre !
Emeline
: Je suppose que vous êtes impatiente de découvrir
le dénouement ? Quel suspens, il doit y avoir… (Voix
ironique).
Marie-Clothilde
: En effet, j’ai hâte de connaître la fin de ce
récit.
Emeline
: Mère. Vous êtes amnésique ?
Marie-Clothilde
: Votre esprit de déduction est impressionnant !
Emeline
: Je possède une vive intelligence…
Marie-Clothilde
: Certes, mais le terme d’amnésie est un peu
exagéré ! Je lis beaucoup et je ne possède
pas une excellente mémoire…
Emeline
: Vous avez raison de corriger mes propos. Ce n’est pas la
même chose…
Marie-Clothilde
: J’éprouve des difficultés à me
concentrer sur cette charmante lecture…
Emeline
: Il y a longtemps que Père est parti, cela devient
inquiétant ! J’espère qu’il n’a
pas eu d’accident…
Marie-Clothilde
: N’ayez pas de vilaines pensées !
Emeline
: Je crains qu’il soit dans une civière…
Marie-Clothilde
: Je pense aussi qu’il doit être allongé, mais
dans un lit…
Emeline
: Mère ! Vous déraisonnez ! Vous
l’imaginez en charmante compagnie ?
Marie-Clothilde
: Non, je frémis à l’idée qu’il
soit avec une ignoble diablesse…
Emeline
: Quel sacrilège ! Votre jalousie vous fait avoir de
disgracieuses pensées…
Marie-Clothilde
: Je vais aller prier pour l’âme de mon tendre époux…
Emeline
: Vous avez raison ! Si Père est en présence
de méchantes femmes, il va falloir exorciser ces horribles
succubes…
On entend tout à
coup le bruit de la sonnette.
Emeline
: C’est peut-être Père qui revient au foyer ?
Marie-Clothilde
: Je vais lever mon séant pour ouvrir la porte de notre
demeure…
Marie-Clothilde
se lève, elle avance jusqu’à la porte, elle
l’ouvre et cette dame se retrouve face à son mari.
Marie-Clothilde
: Charles-Edouard ! Ce n’est pas une heure raisonnable
pour rentrer…
Charles-Edouard
: Excusez-moi, tendre épouse !
Charles-Edouard
fait un baise main à sa femme et il pénètre
ensuite dans la maison.
Charles-Edouard
: J’étais en charmante compagnie !
Marie-Clothilde
: Comment ça ? En charmante compagnie ?
Charles-Edouard
: En effet, j’étais avec une dame des plus
délicieuses…
Marie-Clothilde
: Mes oreilles chastes en ont trop entendu…
Emeline
: Père ! Vous êtes un goujat ! J’aimerais
connaître le nom de cette libertine…
Charles-Edouard
: J’étais avec la Sainte Vierge !
Marie-Clothilde
et Emeline : La Sainte Vierge ?
Charles-Edouard
: Oui, je suis parti prier dans la petite chapelle…
Marie-Clothilde
: Tendre époux. Pardonnez ma jalousie !
Charles-Edouard
: Il n’en est pas question…
Emeline
: Paternel vénéré ! Tout bon Chrétien
doit avoir la force de pardonner son prochain…
Charles-Edouard
: Certes ! Certes ! Vous avez raison…
Emeline
: Alors ! Vous lui accordez votre pardon ?
Charles-Edouard
: Je suis trop bon Chrétien pour ne pas le faire…
Marie-Clothilde
: Merci, mon tendre époux !
Charles-Edouard
: Ce n’est rien, très chère…
Emeline
: Père ! Je vous remercie d’avoir pardonné
cette diablesse !
Marie-Clothilde
: Diablesse ! Diablesse ! Je ne vous permets pas…
Emeline
: Excusez ma colère, mais je crois qu’elle est
légitime…
On entend tout à
coup le téléphone qui retentit.
Marie-Clothilde
: Je vais aller répondre.
Charles-Edouard
: Certes ! Certes !
Marie-Clothilde
s’approche du téléphone et elle prend l’appareil
dans les mains.
Marie-Clothilde
: Allo ! Bonjour, Monsieur. Comment ça ? Vous
voulez parler à votre gonzesse ? Mais ! Il n’y
a pas de Mademoiselle Gonzesse ici…
Charles-Edouard
: Qui est ce malotru ?
Marie-Clothilde
: Comment ça ? Votre gonzesse s’appelle
Emeline ? Oh ! Je ne parle pas au goujat…
Marie-Clothilde
raccroche le téléphone.
Marie-Clothilde
: Qui est ce dégoûtant personnage qui vous connaît
bien ?
Emeline
: C’est un ami intime…
Marie-Clothilde
: C’est incroyable ! Comment s’appelle votre
jules ?
Emeline
: Pourquoi vous me posez cette question, alors que vous
connaissez la réponse ?
Marie-Clothilde
: Sainte Mère, Marie ! Il s’appelle Jules ?
Emeline
: Oui, c’est un ravissant prénom !
Charles-Edouard
: Je suis certain que ce gougnafier vient des bas-fonds de
Versailles…
Marie-Clothilde
: Il vient probablement du quartier de Jussieu, cet endroit est
mal famé…
Emeline
: Ce quartier n’est pas Harlem ! Non, il vient de
Sartrouville !
Marie-Clothilde
: C’est encore pire ! Là-bas, il n’y a
que des communistes…
Charles-Edouard
: Il faut absolument purifier ce téléphone…
Marie-Clothilde
: Vous avez raison ! Je vais chercher de l’eau bénite…
Marie-Clothilde
avance jusqu’à une commode, elle ouvre la porte du
meuble et elle en sort un flacon d’eau bénite.
Charles-Edouard
: Au nom de Bernadette Soubirous ! Purifions ce téléphone…
Marie-Clothilde
avance jusqu’au téléphone, elle ouvre le flacon
d’eau bénite et elle en verse sur l’appareil.
Charles-Edouard
: N’en mettez pas de trop ! Il faut en conserver…
Marie-Clothilde
: Je suis de votre avis. Le téléphone est
maintenant purifié…
Charles-Edouard
: Alléluia !
Emeline
: C’est vrai que Jules habite à Sartrouville, mais
il n’est pas communiste !
Marie-Clothilde
: Vous en êtes certaine ?
Emeline
: Evidemment ! Il croit en Dieu…
Charles-Edouard
: Ce n’est donc pas un démon rouge ?
Emeline
: Bien sûr que non !
Marie-Clothilde
: Emeline ! Vous n’auriez pas pu le dire plus tôt !
J’ai gaspillé de l’eau bénite pour rien…
Emeline
: Vous vous emballez toujours et vous ne m’avez pas laissé
le temps de vous parler de mon soupirant !
Charles-Edouard
: En dehors de son langage primitif. Ce Monsieur est-il un
gentleman ?
Emeline
: Père ! Il m’offre souvent de ravissantes
fleurs et cet homme a de gentilles intentions…
Marie-Clothilde
: Vient-il d’une bonne famille ?
Emeline
: Pas vraiment ! Sa mère est concierge et son père
est éboueur…
Charles-Edouard
: Les chiens ne font pas des chats…
Marie-Clothilde
: Fait-il de brillantes études ?
Emeline
: Non, il travaille dans une usine où l’on fabrique
des boites de camembert.
Charles-Edouard
: Marie-Clothilde ! Remettez un peu d’eau bénite
sur ce téléphone, ce ne sera pas inutile…
Emeline
: Ce n’est pas immoral de fabriquer des boites de fromage !
Laissez-moi l’occasion de vous le présenter. Il a de la
classe…
Charles-Edouard
: Comment ça ? De la classe ?
Emeline
: Il travaille en costume cravate…
Marie-Clothilde
: Ce Dom Juan remonte dans mon estime…
Emeline
: Laissez-moi vous présenter mon galant…
Marie-Clothilde
: Oui, mais à une seule condition…
Emeline
: Ah, oui ! Laquelle ?
Marie-Clothilde
: Promettez-moi que vous n’avez pas fait avant le mariage.
Enfin… Vous voyez ce que je veux dire…
Emeline
: Mère ! Comment osez-vous me soupçonner d’une
telle bassesse ?
Marie-Clothilde
: Pardonnez ce moment d’égarement…
Emeline
: Je voudrais vous demander une faveur…
Charles-Edouard
: Que désirez-vous ?
Emeline
: J’ai envie de manger des fraises…
Marie-Clothilde
: Comment ça ? Des fraises ?
Emeline
: Certes, je suis gourmande en ce moment…
Charles-Edouard
: J’espère que vous êtes une seconde Sainte
Vierge…
Marie-Clothilde
: Doux Jésus ! Moi aussi…
Emeline
: Que votre imagination est fertile ! J’ai faim. Ce
n’est pas immoral…
Marie-Clothilde
: Les fraises, ça fait grossir ! C’est bien
connu…
Emeline
: Que sous-entendez vous ?
Marie-Clothilde
: Que vous grossissez beaucoup ces derniers temps ! Cela
devient inquiétant…
Emeline
: Oh ! Vous venez de prétendre que je suis obèse…
Marie-Clothilde
: Ce n’est pas ce que j’ai voulu insinuer…
Charles-Edouard
: Madame votre Mère suppose que vous avez été
engraissée dans un lit…
Emeline
: Je suis bien obligée d’avouer que c’est la
vérité !
Charles-Edouard
: Qui est ce malotru ?
Emeline
: C’est vous, Père ! Vous ne vous rappelez
pas ?
Marie-Clothilde
: Oh ! Quel goujat ! Vous me trompez avec Mademoiselle
votre Fille !
Charles-Edouard
: Je vous jure qu’il s’agit d’une ineptie !
Emeline
: Je maintiens mes accusations… C’est vous qui
m’avez engraissé !
Charles-Edouard
: Quand est-ce que c’est arrivé ?
Emeline
: Dimanche dernier ! Vous m’avez apporté le
petit déjeuner au lit. Il y avait cinq croissants sur le
plateau…
Marie-Clothilde
: Doux Jésus ! Je préfère ça…
Charles-Edouard
: Sainte-Anne ! Je commençais à croire que ma
fille avait perdu la raison…
Emeline
: Je suis une jeune fille censée !
Charles-Edouard
: Avec des parents aussi formidable ! Vous avez de qui
tenir…
Emeline
: Père ! Vous dîtes toujours que les
homosexuels sont les seuls hommes à apprécier les
fleurs…
Charles-Edouard
: Et, alors !
Emeline
: Je suis la progéniture d’un homo…
Charles-Edouard
: Oh ! Quelle insolence !
Marie-Clothilde
: Pour vous châtier, vous allez réciter cinq « Notre
Père » !
Charles-Edouard
: Vous qui êtes aux cieux, vous en avez de la chance !
Avec une fille aussi impertinente, j’ai l’impression
d’être en enfer…
Emeline
: Si vous aviez de bons yeux, vous verriez l’auréole
que je porte sur la tête…
Charles-Edouard
: Mais ! Je la vois ! Elle est toute noire…
Marie-Clothilde
: Vénérable époux ! Vous avez raison
d’affirmer que notre fille est une diablesse…
Emeline
: Vous ignorez que les pratiques sexuelles de Jules sont
démoniaques !
Marie-Clothilde
: Que pratique t’il comme horreur ?
Emeline
: Il est adepte du masochisme…
Charles-Edouard
: Fille indigne ! Vous savez très bien que ces
gens-là lisent « Mein Kampf », comme
nous lisons la Bible…
Emeline
: Oui, mais… les masos ne peuvent pas être
pédophiles, contrairement à certains prêtres !
Charles-Edouard
: Quel est le rapport ?
Emeline
: Hitler vénérait les masos, car ils sont
protecteurs vis-à-vis des enfants…
Marie-Clothilde
: Ne me dîtes pas que vous avez lu « Mein
Kampf » !
Emeline
: Non, j’en ai entendu parler ! C’est tout…
Charles-Edouard
: J’espère bien ! Sinon, je vous ferai avaler
cette Bible, dont la lecture ne vous paraît pas digeste…
Marie-Clothilde
: Et pour vous faire digérer ce Saint-repas, on vous
ferait boire de l’eau bénite…
Emeline
: Je préférerais encore souffrir d’anorexie…
Marie-Clothilde
: Votre comportement m’exaspère…
Charles-Edouard
: Votre conduite n’est pas digne d’une fille de bonne
famille !
Emeline
: Une bonne famille ! (Elle lève les yeux au
ciel).
Charles-Edouard
: Qu’osez-vous prétendre ? Notre générosité
est reconnue dans tout Versailles…
Emeline
: Parlons-en de votre générosité…
Vous êtes huissier de justice ! Vous mettez des honnêtes
gens à la rue…
Charles-Edouard
: Peut-être ! Mais tous les ans, je fais un don pour
les pouilleux…
Emeline
: Vous les délogez de leurs maisons bien chauffées,
mais vous leur offrez une couverture trouée pour l’hiver…
Marie-Clothilde
: C’est charitable !
Emeline
: Même les Sataniques ont une meilleure mentalité
que la vôtre !
Charles-Edouard
: Oh ! Fille indigne ! Je vais en parler au Père
Lutinier…
Emeline
: Celui-là ! Je ne peux pas le voir…
Marie-Clothilde
: C’est pourtant un Saint-Homme !
Emeline
: Peut-être, mais… il vit dans une autre époque !
Charles-Edouard
: Je ne comprends pas vos insinuations ?
Emeline
: Pour être aussi arriéré, ce prêtre
est certainement un immortel…
Marie-Clothilde
: Oh ! Je suis outrée !
Emeline
: Parfaitement ! C’est un rescapé du Moyen-Âge…
Marie-Clothilde
: Je ne vous permets pas d’injurier cet adjoint du Pape !
Charles-Edouard
: En voilà des manières !
Emeline
: Je dis ce que je pense…
Marie-Clothilde
: Si vous étiez idiote, vous diriez moins de bêtises !
Charles-Edouard
: Vous l’avez bien remise à sa place, ma tendre
épouse !
On entend tout à
coup la sonnerie de la porte d’entrée qui retentit.
Marie-Clothilde
: Qui cela peut bien être ?
Charles-Edouard
: Sauve qui peut ! Cela doit être le Père
Lutinier. Il m’a promis de venir aujourd’hui pour
enrichir mon répertoire de prières en latin…
Marie-Clothilde
: C’est pour le bien de votre âme ! Vous devriez
les apprendre…
Charles-Edouard
: Je n’ai pas le temps ! Je me sauve dans la cuisine…
Emeline
: Père ! Vous n’êtes qu’un cancre…
Charles-Edouard
: Quand on a 3 sur 20 de moyenne générale, on ne la
ramène pas…
Marie-Clothilde
: Surtout que Sainte-Lucie est une excellente école…
Emeline
: Hein, hein ! (Rire vexée).
La sonnerie de la
porte principale retentit à nouveau.
Marie-Clothilde
: Le Père Lutinier doit vraiment s’impatienter…
Charles-Edouard
: Je me sauve…
On aperçoit
Charles-Edouard qui se met à courir et ensuite, il disparaît
de la scène.
Emeline
: Quel grand sportif, vous faîtes !
On voit
Marie-Clothilde qui s’approche de la porte d’entrée.
Marie-Clothilde
: J’arrive ! J’arrive !
Marie-Clothilde
ouvre la porte de la maison et elle se retrouve nez à nez avec
le facteur.
Marie-Clothilde
: Bonjour, Monsieur.
Le
facteur : Salut, la Comtesse !
Marie-Clothilde
: Oh ! Quel vilain langage !
Le
facteur : Bah, quoi ! Qu’est-ce que j’ai
dit ?
Marie-Clothilde
: Votre dialecte n’est pas des plus raffinés !
Le
facteur : Elle m’énerve, celle-là !
Je viens vous apporter des colis.
Marie-Clothilde
: En voilà une délicate intention !
Le
facteur : Je peux rentrer ?
Marie-Clothilde
: Certes, mais il faut mettre les patins…
Le
facteur : C’est quoi, ces trucs-là ?
Marie-Clothilde
: Oh, très Cher ! Décidément, vous
manquez d’éducation…
Le
facteur : Mais ! Il n’y a pas de glace pour
patiner…
Marie-Clothilde
: Ah, ah, ah ! Qu’il est bête !
Emeline
: Le préposé au courrier me fait honte !
Marie-Clothilde
: Voilà à quoi vous allez ressembler dans quelques
années, si vous ne faîtes pas de longues et de
brillantes études…
Emeline
: Mère ! Vous déraisonnez !
Marie-Clothilde
indique au facteur où sont les patins.
Marie-Clothilde
: Tenez, mon ami !
Le
facteur : Merci.
Le facteur enlève
ses chaussures et il enfile les patins.
Marie-Clothilde
: Vous pouvez nous apporter nos présents ?
Marie-Clothilde
et le facteur avancent dans la maison.
Le
facteur : J’ai ce petit colis à remettre à
Mademoiselle Emeline.
Emeline
: Quelle délicate attention ! Qu’est-ce que
cela ?
Le
facteur : Vous verrez bien… Tenez !
Le facteur tend
le colis à Emeline qui le prend, elle l’ouvre, elle en
ressort une lettre et elle la lit.
Emeline
: C’est gentil ! C’est une lettre de mon
soupirant…
Marie-Clothilde
: Je suis persuadée qu’il vous a écrit un
poème des plus romantiques pour vous dévoiler sa
flamme…
Emeline
: Non, il a écrit : « Ma cocotte, c’est
pour toi ! »
Marie-Clothilde
: Oh ! Quel malotru !
Emeline enlève
le papier du cadeau et elle en ressort une bague.
Emeline
: Mais ! C’est du toc !
Marie-Clothilde
: Cette bague est affreuse !
Emeline
: C’est gentil de m’offrir cette vulgaire bague, mais
nous avons suffisamment de cailloux dans le jardin…
Le
facteur : Son cadeau ne vous plaît pas ?
Emeline
: J’adore les pierres précieuses, mais je ne suis
pas une caillouphile…
Marie-Clothilde
: Je peux regarder cette bague de plus près ?
Emeline
: Tenez, Mère !
Marie-Clothilde
s’approche d’Emeline et elle examine la bague.
Marie-Clothilde
: C’est une horreur ! Votre soupirant, s’est
bien moqué de vous !
Emeline
: J’en connais une qui va se régaler…
Marie-Clothilde
: Je ne comprends pas vos insinuations ?
Emeline
: Je faisais allusion à la poubelle… Tiens !
Si tu as faim, ce cadeau ne sera pas inutile…
Emeline jette la
bague dans la poubelle.
Marie-Clothilde
: Cette bague est à sa place au milieu des détritus…
Emeline
: Ça, c’est sûr ! Elle ne risque pas de
dépareiller au milieu des boîtes de conserve…
Marie-Clothilde
: Alors que dans votre boîte à bijoux, elle
prendrait une place inutile…
Le
facteur : Madame. J’ai aussi un cadeau pour vous !
Marie-Clothilde
: Un cadeau ! C’est vraiment adorable…
Le
facteur : Il s’agit de ce grand paquet.
Marie-Clothilde
: Je vais d’abord ouvrir l’enveloppe.
Marie-Clothilde
sort la lettre du colis, ensuite elle se met à ouvrir
l’enveloppe et elle l’a lit.
Le
facteur : Qu’est-ce qu’il a écrit ?
Marie-Clothilde
: Mais, Monsieur ! Cela ne vous regarde pas…
Emeline
: Moi, je suis concernée par le courrier de mon futur
époux…
Marie-Clothilde
: Vous avez raison ! Il a écrit : « J’ai
peint un autoportrait de ma belle-maman chérie ! ».
Emeline
: Je le trouve bien familier…
Marie-Clothilde
: Ne soyez pas jalouse ! Il est rare que les gendres
trompent leurs femmes avec leurs belles-mères…
Emeline
: C’est une fine remarque !
Marie-Clothilde
enlève le papier du cadeau et elle découvre la peinture
qui représente son portrait.
Marie-Clothilde
: C’est moi ? Ça !
Marie-Clothilde
s’évanouit.
Emeline
: Père ! Venez ! Mère vient d’avoir
un malaise… (Elle hurle).
On aperçoit
Charles-Edouard qui revient rapidement sur scène.
Charles-Edouard
: Diable ! Que s’est-il passé ?
Emeline
: Mère s’est évanouie !
Charles-Edouard
: Qu’avez-vous fait à mon épouse ? (Il
regarde le facteur).
Le
facteur : Moi ? Eh, rien… Je ne suis que le
facteur…
Charles-Edouard
: Mon Dieu ! Ce tableau est une horreur ! Il n’y
a pas besoin d’être médecin pour comprendre le
malaise de ma femme…
Emeline
: Il faut reconnaître que Mère n’est pas
tableaugénique…
Charles-Edouard
: Je pense plutôt que le peintre n’a aucun talent…
Emeline
: C’est une réalité ! Heureusement que
Jules est un modeste peintre et que ma génitrice ne ressemble
pas à ça…
Charles-Edouard
: Emeline ! Vous ne seriez pas née, car jamais je
n’aurais accepté d’épouser un laideron
pareil…
Le
facteur : Je vais peut-être m’en aller ?
Emeline
: Non ! Vous restez ici…
Charles-Edouard
: Je vais lui donner des petites gifles pour la ravigoter…
Charles-Edouard
se baisse, ensuite il gifle sa femme.
Marie-Clothilde
: Qui suis-je ? Où suis-je ? Que s’est-il
passé ?
Charles-Edouard
: Le prétendant d’Emeline a voulu réaliser un
portrait qui vous représente, mais vous n’avez pas la
même conception de l’art…
Marie-Clothilde
: Oui, je me souviens ! J’aurais préféré
qu’il m’offre un miroir. Au moins, je me serais reconnue…
Emeline
: Mère ! Cela va-t-il mieux ?
Marie-Clothilde
: En effet, j’ai passé un cardiogramme !
Dorénavant, je suis certaine de ne pas être cardiaque…
Marie-Clothilde
se relève.
Emeline
: L’héritage n’est donc pas pour demain…
Charles-Edouard
: Pour après-demain, non plus…
Emeline
: Je plaisantais ! Ne le prenez pas mal…
Charles-Edouard
: Je n’ai pas envie de rire, surtout après avoir
découvert cette horreur de tableau…
Emeline
: Il faut reconnaître qu’il n’est pas
saisissant de ressemblance…
Charles-Edouard
: C’est le moins que l’on puisse dire… Ce
n’est pas comme celui-là, c’est le portrait craché
de Marie-Clothilde ! (Il montre le tableau du doigt).
Marie-Clothilde
s’approche de son mari et elle le gifle violemment.
Marie-Clothilde
: Vous m’injuriez ?
Charles-Edouard
: Mais, non ! Ce tableau est sublime et il est aussi très
ressemblant…
Marie-Clothilde
: Vous voulez rire ? C’est un portrait de mon arrière
grand-mère, dont j’ai hérité !
Charles-Edouard
: Oh, pardon ! Excusez, ma maladresse…
Le
facteur : Pour vous réconcilier, j’apporte un
cadeau pour Monsieur…
Charles-Edouard
: Un cadeau ! Cet hurluberlu a aussi pensé à
moi…
Emeline
: Il va peut-être vous gâter ?
Charles-Edouard
: Je serais bien le seul…
Le facteur lui
tend son cadeau.
Le
facteur : Tenez !
Charles-Edouard
: Merci, brave homme !
Charles-Edouard
prend son cadeau et il ouvre le colis.
Charles-Edouard
: Ah ! C’est gentil de m’offrir du vinaigre !
La salade va être contente…
Emeline
: Mais ! C’est du vin !
Charles-Edouard
: Du vin ! Du vin ! De la piquette, oui…
Emeline
: C’est du « Château-Gauthier » !
Ce n’est pas n’importe quoi…
Charles-Edouard
: La bouteille coûte à peine 50 euros ! Je ne
manquerai pas de respect à mes verres en cristal…
Marie-Clothilde
: Je partage votre avis ! Les verres seraient rouges de
honte, si vous les remplissez d’un vulgaire
« Château-Gauthier »…
Charles-Edouard
: Je serais mal à mon aise d’offrir ce modeste vin à
la Comtesse de Balzarin ou au Comte de Grignol… Ce serait
grotesque !
Marie-Clothilde
: Quand est-ce que nous aurons l’honneur de faire la
connaissance de votre soupirant ? J’ai deux mots à
lui dire…
Charles-Edouard
: Et moi, un petit discours…
Le
facteur : Je vais partir…
Emeline
: Non ! Toi, tu restes ici…
Marie-Clothilde
: Vous tutoyez le préposé au courrier à
présent !
Emeline
: Ce n’est pas le facteur ! C’est Jules…
Charles-Edouard
: Vous êtes éprise d’un vulgaire préposé ?
Marie-Clothilde
: Quoi ? Un gueux ?
Jules
: Un gueux ? Un gueux ? Je ne vous permets pas !
Le servage a été aboli…
On aperçoit
la soubrette qui arrive sur scène en tenant un plateau dans
les mains.
Charlotte
: Pas pour tout le monde…
La soubrette pose
le plateau sur la table basse.
Charlotte
: J’apporte votre médicament.
Charles-Edouard
: Vous devez me l’apporter à quatre heures…
Charlotte
: Je suis désolée ! Ma montre avance un peu…
Charles-Edouard
: Je vais chercher le fouet !
Charlotte
: Non, Monsieur ! Pitié !
Jules
: Je ne vous laisserai pas battre cette gonzesse…
On aperçoit
Charles-Edouard qui va chercher le fouet et il revient vers
Charlotte.
Charles-Edouard
: Charlotte ! Enlevez votre chemisier et mettez vous contre
le mur !
Charlotte
: Non ! S’il vous plaît !
Charles-Edouard
: Mes coups de fouet seront votre châtiment…
La soubrette
enlève son chemisier, donc elle se retrouve en soutien-gorge
et elle se positionne contre le mur.
Charles-Edouard
: Vous allez recevoir une correction…
Jules
: Où il est le blème ?
Charles-Edouard
: Mais ! Cela ne vous regarde pas…
Jules
: Si vous corrigez cette meuf, c’est à moi que vous
aurez à faire…
Charles-Edouard
: Certes ! Puisque vous êtes offusqué par mes
méthodes, notre humble domestique échappe à sa
punition…
Charlotte
: Merci, Monseigneur !
Emeline
: Père ! Vous êtes beaucoup trop sévère
à l’égard de Charlotte !
Marie-Clothilde
: Votre fille a raison ! Surtout au prix où on la
paye…
Jules
: Je suis sûr que vous ne lui laissez jamais de pourboire…
Charles-Edouard
: C’est vrai ! Pas un centime !
Jules prend la
bouteille de vin.
Jules
: Tenez !
Jules lui tend la
bouteille.
Jules
: Voilà votre pourboire, puisque Monsieur ne l’apprécie
pas…
Charlotte
: Merci, mon ami !
La soubrette
prend la bouteille de vin.
Charles-Edouard
: Qui se ressemble, s’assemble…
Emeline
: Ils sont tous les deux très différents…
Jules
: Et j’ai envie de garder Emeline comme gonzesse…
Emeline
: Je me sens tellement bien quand je suis avec toi ! J’ai
envie qu’on sorte ce soir…
Jules
: Qu’est-ce qu’il y a de bien dans ce patelin ?
Charles-Edouard
: Une soirée dansante est organisée à
Versailles…
Marie-Clothilde
: C’est une charmante veillée pour les jeunes !
Jules
: C’est dans une boîte de nuit ?
Charles-Edouard
: Non, pas vraiment. Le Comte et la Comtesse de Romainville
organisent un bal masqué dans la salle de réception du
château.
Marie-Clothilde
: Belle soirée en perspective…
Jules
: Est-ce qu’ils vont passer les derniers tubes ?
Charles-Edouard
: Ah, ah, ah ! Ce n’est pas le genre…
Non, ils vont passer de la valse toute la soirée…
Marie-Clothilde
: Les damoiseaux en profiteront pour faire la cour aux gentes
demoiselles.
Jules
: Ils vont aussi nous harceler de musique classique ?
Charles-Edouard
: Bien sûr ! Mozart, Bach et Beethoven sont prévus
au programme…
Jules
: Ma grand-mère qu’adore l’accordéon
est plus moderne que vous…
Charles-Edouard
: La valse, c’est toute ma jeunesse !
Jules
: Vous êtes un immortel ?
Charles-Edouard
: Je ne comprends pas votre question ?
Jules
: Nos ancêtres dansaient la valse à l’époque
des rois…
Charles-Edouard
: Cette musique est style ! (Prononciation :
staille). Si vous n’avez pas la classe pour aller à
cette soirée, je vous recommande de faire la cour à
Charlotte…
Marie-Clothilde
: C’est vrai ! Ils pourraient former un beau couple de
gueux…
Emeline
: Je ne suis pas d’accord ! Je suis mieux assortie à
Jules que cette soubrette…
Charles-Edouard
: Pourtant Jules et Charlotte sont deux prénoms qui se
marient bien…
Emeline
: Jules et Emeline, c’est quand même autre chose…
Jules met
subitement les deux mains sur son sexe.
Marie-Clothilde
: Il est amoureux de la soubrette ! La preuve ! Il se
tient une partie intime de son anatomie…
Jules
: Non, ce n’est pas ce que vous croyez ! J’ai
envie d’aller aux chiottes…
Marie-Clothilde
: Oh ! Quel vilain langage !
Emeline
: Ne vous offusquez pas pour si peu ! Jules voulait dire
qu’il avait envie d’aller au salon d’aisance…
Charles-Edouard
: Ça fait quand même plus style !
(Prononciation : staille).
Marie-Clothilde
: Emeline ! Heureusement que vous êtes là pour
rattraper ses goujateries…
Jules
: Je vous laisse. Je vais aller au salon d’aisance…
Emeline
: Je t’accompagne pour te montrer où se situe ce
petit salon…
Charles-Edouard
: Quelle discussion charmante et raffinée !
Emeline et Jules
sortent de scène.
Charles-Edouard
: Douce épouse ! N’avez-vous pas envie de
bronzer au soleil ?
Marie-Clothilde
: Non, très cher ! Il pleut…
Charles-Edouard
: C’est l’occasion rêvée de prendre une
douche…
Marie-Clothilde
: Oh ! Vous osez prétendre que je suis répugnante !
Charles-Edouard
: Je n’ai jamais prononcé une ineptie semblable !
Mais c’est tellement agréable de barboter…
Marie-Clothilde
: Je ne suis pas un canard…
Charles-Edouard
: N’avez-vous pas une douce envie de jouer seule aux
échecs ?
Marie-Clothilde
: Je ne vois pas l’intérêt de jouer sans
partenaire ?
Charles-Edouard
: Il en existe pourtant un et il est de taille ! Une fois
n’est pas coutume, vous gagnerez la partie…
Marie-Clothilde
: Quel malotru ! Vous osez prétendre que je suis une
nullité…
Charles-Edouard
: Mais, non ! Mais, non ! Je ne me serais jamais permis
de vous injurier de la sorte…
Marie-Clothilde
: J’ai la fine intuition de penser que vous cherchez à
vouloir vous libérer de moi !
Charles-Edouard
: Votre imagination est considérable !
Charlotte
: Je peux partir ?
Charles-Edouard
: Non ! Vous restez ici…
Marie-Clothilde
: Oh ! Vous désirez rester seul avec la soubrette !
Charles-Edouard
: Quel intérêt ! Cette crétine ne sait
ni jouer aux bridges, ni aux échecs…
Marie-Clothilde
: Vous préférez peut-être jouer à la
poupée avec ce modèle en chiffon ?
Charles-Edouard
: Assurément, ce modèle n’est pas en
porcelaine…
Marie-Clothilde
: Ce n’est pas comme notre amour céleste…
Charles-Edouard
: Marie-Clothilde ! Comment une femme de votre rang
peut-elle être jalouse d’une humble domestique ?
Marie-Clothilde
: J’ai de bonnes raisons pour être décontenancée…
Charles-Edouard
: Venez, gente dame ! Il faut que je vous chuchote un
secret…
Marie-Clothilde
: J’arrive, divin époux !
Marie-Clothilde
s’approche de Charles-Edouard, donc ce dernier lui parle dans
le creux de l’oreille.
Marie-Clothilde
: Charles-Edouard ! Vous êtes un Léonard !
Charles-Edouard
: Tout à fait ! Je suis un génie !
Marie-Clothilde
: Je vous laisse ! J’ai une envie subite de jouer aux
bridges…
Charles-Edouard
: J’espère que vous allez gagner la partie, très
chère…
Marie-Clothilde
: Je vous le promets ! Vous allez être fière de
moi…
Charles-Edouard
: Je le suis déjà…
Marie-Clothilde
s’en va en laissant Charles-Edouard en compagnie de la
soubrette…
Charlotte
: Vous savez que j’ai joué toute seule aux bridges
et j’ai perdu la partie !
Charles-Edouard
: L’homme invisible doit être un redoutable
adversaire…
Charlotte
: C’est peut-être moi qui suis une cruche ?
Charles-Edouard
: Ne prononcez pas une ineptie pareille ! Vous avez obtenu
votre C.A.P. de soubrette ! Et avec mention ! Ce n’est
pas à la portée de n’importe qui…
Charlotte
: Monsieur ! Vous me flattez…
Charles-Edouard
: Vous êtes brillante, gente dame !
Charlotte
: Vous ne m’avez jamais parlé comme ça…
Charles-Edouard
: Vous avez aussi beaucoup de grâce !
Déshabillez-vous !
Charlotte
: Ce n’est pas raisonnable ! Si Madame arrivait à
l’improviste…
Charles-Edouard
: Marie-Clothilde joue toute seule aux bridges, mais elle n’est
pas prête de gagner la partie…
Charlotte
: Hi, hi, hi ! Vous êtes moqueur !
Charles-Edouard
: Enlevez vos vêtements !
Charlotte
: Mais ! Je suis timide…
Charles-Edouard
: Vous refusez de vous déshabiller ?
Charlotte
: Oui, Monsieur !
Charles-Edouard
: Très bien. Vous l’aurez voulu…
Charles-Edouard
s’approche du radiateur et il tourne le bouton pour augmenter
la chaleur.
Charlotte
: Je ne céderai pas…
Charles-Edouard
: C’est ce qu’on verra…
Charlotte
: Je ne vous ferai l’amour que lorsque nous serons seuls
dans cette maison…
Charles-Edouard
: Nos occupants sont occupés…
Charlotte
: Il commence à faire chaud !
Charles-Edouard
: Vous refusez toujours de vous dévêtir ?
Charlotte
: Oui, parce que je tremble…
Charles-Edouard
: Vous avez froid ? La chaleur est pourtant étouffante !
Charlotte
: Non, mais j’ai peur que Madame gagne aux bridges…
Charles-Edouard
: Dans ces conditions, je vais baisser le radiateur…
Charlotte
: Merci, Monsieur !
Charles-Edouard
s’approche du radiateur, ensuite il tourne le bouton pour
baisser la chaleur.
Charles-Edouard
: Est-ce que vous voulez jouer aux charades avec moi ?
Charlotte
: Je veux bien, mais je ne suis pas très forte…
Charles-Edouard
: Si vous perdez, vous aurez un gage…
Charlotte
: D’accord !
Charles-Edouard
: Ma question a déjà été posée
aux étudiants de la Sorbonne pendant les examens.
Charlotte
: Elle doit être compliquée…
Charles-Edouard
: De quelle couleur est le cheval blanc d’Henri 4 ?
Charlotte
: Je ne sais pas, moi ? Rouge.
Charles-Edouard
: Perdu !
Charlotte
: Jaune.
Charles-Edouard
: Perdu !
Charlotte
: Bleu.
Charles-Edouard
: Encore perdu !
Charlotte
: Je n’ai vraiment pas de chance ! Noir.
Charles-Edouard
: Les jeux de hasards ne vous réussissent pas…
Charlotte
: Je ne connais plus d’autres couleurs…
Charles-Edouard
: Vous donnez votre langue au chat ?
Charlotte
: Oui, Monsieur !
Charles-Edouard
: Le cheval blanc d’Henri 4 est blanc !
Charlotte
: C’est incroyable !
Charles-Edouard
: Je peux vous assurer que c’est la bonne réponse…
Charlotte
: Oh, là, là ! C’était une
question difficile…
Charles-Edouard
: Pour vous, je n’en doute pas… Vous avez un gage !
Charlotte
: C’est quoi ?
Charles-Edouard
s’approche de la soubrette et il lui parle dans le creux de
l’oreille.
Charlotte
: Oh ! Ce n’est pas bien ce que vous me demandez-là…
Charles-Edouard
: C’est votre gage… Soyez bonne perdante !
Charlotte
: Bon, très bien. J’exorciserai votre souhait !
C’est promis…
Charles-Edouard
: Je compte sur vous…
Charlotte
: Vous pouvez, mon chéri !
Charles-Edouard
: Chut ! Ne parlez pas si fort ! Dame Marie-Clothilde
pourrait vous entendre…
Charlotte
: Oh, pardon !
Charles-Edouard
: La gueuse ! Allez préparer le thé
immédiatement…
Charlotte
: Bien, Monsieur !
La soubrette s’en
va du décor, on aperçoit ensuite Emeline et Jules
revenir sur scène.
Charles-Edouard
: Je constate que le salon d’aisance était
confortable…
Emeline
: Nous étions dans ma chambre. J’ai montré à
Jules ma sublime collection de papillons.
Jules
: Ils sont ravissants !
Charles-Edouard
: Voilà un langage qui me plaît ! Vous remontez
dans mon estime… Vous allez devenir un gentilhomme !
Emeline
: Je lui donne des cours de savoir-vivre !
Charles-Edouard
: Il en avait vraiment besoin…
On aperçoit
Marie-Clothilde revenir sur scène.
Charles-Edouard
: Tendre épouse ! Vous venez seulement de gagner la
partie ! Vous en avez mis du temps pour battre un adversaire
inexistant…
Marie-Clothilde
: Non, j’ai perdu !
Charles-Edouard
: C’est incroyable ! Comment avez-vous fait ?
Marie-Clothilde
: Je n’en sais rien. Je rencontre des défaillances
aux bridges…
Jules
: C’est un exploit dans la médiocrité…
Emeline
: Ah, ah, ah !
Charles-Edouard
: Fille indigne ! Ressaisissez-vous…
Emeline
: Père ! Veuillez pardonner cet instant de faiblesse…
Charles-Edouard
: Votre attitude est inqualifiable à l’égard
de Madame votre Mère ! Dieu vous surveille et Satan
aussi…
Marie-Clothilde
: Votre âme impure pourrait le regretter…
Charles-Edouard
: Oublions, ce malentendu… Posez vos séants dans
les fauteuils. Notre domestique prépare le thé !
Jules
: J’aurais préféré du café…
Emeline
: Jules !
Jules
: Oh, pardon !
Emeline
: Tu as encore des progrès à accomplir…
On aperçoit
Marie-Clothilde, Emeline et Jules s’asseoir.
Jules
: Ce tabouret est confortable !
Charles-Edouard
: Ce tabouret comme vous dîtes, c’est un fauteuil !
Et pas n’importe lequel, c’est un Louis 15…
Marie-Clothilde
: Ce fauteuil est vraiment style ! (Prononciation :
staille). On aurait dû asseoir le gueux sur un vulgaire
escabeau, il n’aurait pas vu la différence…
Charles-Edouard
: N’exagérons rien… Je suis certain que son
séant le trouve confortable.
On voit la
soubrette arriver sur scène en petite tenue (elle ne porte
qu’un soutien-gorge et qu’une petite culotte) et elle
tient dans les mains un plateau contenant du thé et des
gâteaux.
Charles-Edouard
: Humble domestique ! Je suis ravi de vous revoir, mais
j’aurais préféré une tenue plus
présentable…
Jules
: Oh, bah non ! Elle est plus canon comme ça…
Emeline
: Dis donc !
Jules
: Ce n’est qu’un petit commentaire personnel…
Emeline
: La prochaine fois, tu le garderas pour toi…
Marie-Clothilde
: Je suis offusquée de voir une tenue aussi vulgaire !
Jules
: Marie-Clothilde ! Si vous n’aviez qu’un slip
et un soutien-gorge, je me sauverais en courant… Ce serait
Halloween avant la date !
Marie-Clothilde
: Oh ! Quel malotru !
Charles-Edouard
: Je vais calmer les esprits… Vous savez que les enfants
se déguisent pour notre Halloween Versaillais en Saint-Thomas
pour les garçonnets et en Sainte-Vierge pour les fillettes ?
Jules
: C’est étonnant !
Charles-Edouard
: Comme ça, ils s’amusent religieusement sans faire
outrage à Jésus-Christ !
Jules
: Ils ne risquent pas de passer inaperçu au milieu des
sorcières, des loups-garous et des vampires…
Charles-Edouard
: Il ne faut jamais blasphémer le Christ ! Il était
pauvre, mais il avait une si grande richesse dans son cœur
qu’il n’avait pas besoin d’argent…
Jules
: Le contraire de vous ! Vous devez être très
pauvre intérieurement pour avoir besoin d’une si grande
fortune…
Marie-Clothilde
: Oh ! C’est un malotru !
Jules
: Vous n’avez que ce mot là à la bouche…
Marie-Clothilde
: De la faute à qui ? (Elle montre Jules du
doigt).
Charles-Edouard
: Personne ne peut nous donner des leçons de morale, même
pas les Duraguay !
Jules
: Ce sont qui ceux-là ?
Emeline
: Des amis de la famille.
Charles-Edouard
: Ce sont aussi de bons Chrétiens ! Ils ont onze
enfants qui se prénomment Pierre, André, Jean,
Philippe, Barthélémy, Matthieu, Thomas, Simon, Jude,
Jacques 1 et… Jacques 2 ! Etonnant, non ?
Jules
: Oui et après ?
Emeline
: Imbécile ! Tu n’as pas compris que ce sont
les noms des apôtres ?
Jules
: Je n’avais pas fait le rapprochement. Ah, ah, ah !
Le jour où ils auront un douzième enfant, ils seront
bien obligés de l’appeler Judas…
Marie-Clothilde
: Ne parlez pas de malheur !
Charles-Edouard
: Je ne porte aucun des petits noms des apôtres, mais mon
second prénom, c’est Joseph !
Jules
: Ah, ah, ah ! Quel prénom ridicule !
Charles-Edouard
: Ce maraud blasphème ce Saint ! C’est une
honte !
Jules
: Oh, pardon ! Je trouve que ce prénom ne fait pas
style. (Prononciation : staille).
Marie-Clothilde
: N’essayez pas de nous imiter ! Vous n’avez pas
la classe…
Emeline
: Il est certain que Timoléon est un meilleur gentilhomme…
Jules
: C’est qui çui’la ?
Emeline
: C’est mon frère !
Charles-Edouard
: Vous savez que j’ai discuté avec lui au
téléphone ?
Emeline
: C’est vrai ? Comment va-t-il ?
Charles-Edouard
: Très bien ! Il est satisfait de la gentilhommière
que je viens de lui offrir…
Jules
: C’est quoi une gentilhommière ?
Emeline
: C’est un studio.
Charles-Edouard
: C’est une petite bicoque de rien de tout ! Elle fait
à peine 300 mètres carré…
Marie-Clothilde
: Cela n’a rien à voir avec notre vaste demeure qui
est considérée comme le deuxième château
de Versailles !
Jules
: C’est vrai que cette maison est immense, mais ce n’est
pas ma tasse de thé…
Charlotte
: À propos du thé, je vous ai servi et personne ne
boit…
Jules
: Vous êtes tellement ravissante que j’ai envie d’en
boire, rien que pour vous faire plaisir…
Charlotte
: Merci !
Jules
: Je vais trinquer ! A la vôtre !
Jules se lève
et il trinque avec Emeline.
Emeline
: Mais ! T’es complètement fou ?
Jules trinque
avec Marie-Clothilde.
Marie-Clothilde
: Aïe ! Je me suis brûlée ! Vous
m’avez fait mal…
Jules trinque
avec Charles-Edouard.
Charles-Edouard
: C’est grotesque ! En voilà des manières…
Jules
: Allez ! Hop ! Cul sec !
Emeline
: Mais ! T’es pas bien ?
Jules
: Ouïe-ouïe-ouïe !!!
Charlotte
: Mangez votre religieuse ! Elle va faire des miracles…
Emeline
: Je le confirme. Elles sont tellement délicieuses
qu’elles vont te faire oublier ta brûlure…
Jules se rassoit
et il se met à déguster sa religieuse.
Charles-Edouard
: C’est dommage que Louis 16 a été
guillotiné ! Sans la révolution, l’actuel
roi de France aurait besoin d’un bouffon…
Marie-Clothilde
: Ah, ah, ah ! Votre impertinence me plaît
beaucoup…
Charles-Edouard
: Je vais manger une religieuse ! Pardonnez-moi ma sœur,
mais je suis un diabolique cannibale… (Il fait semblant de
parler au gâteau).
Marie-Clothilde
et Emeline : Ah, ah, ah !
Jules
: Je ne vois pas ce que cela a de drôle…
Emeline donne à
Jules un grand coup de coude.
Jules
: Je ne suis pas maso à ce point-là ! Tu ne me
fais pas rire…
Emeline
: Rigole ! Je t’en supplie ! (Elle murmure).
Jules
: Ah, ah, ah ! Je glousse !
Charles-Edouard
: Vous riez seulement maintenant ! C’est un rire à
retardement…
Jules
: Je n’avais pas compris la subtilité…
Charlotte
: Moi, je n’ai toujours pas compris !
Charles-Edouard
: Le temps que ça remonte au cervelet ! Dans trois
jours, vous allez éclater de rire…
Charlotte
: Ah, bon ?
Charles-Edouard
: Tout le monde n’a pas l’intelligence des
Versaillais…
Jules
: Je vous trouve prétentieux ! Vous habitez dans un
petit village qui n’est célèbre que grâce à
son château…
Marie-Clothilde
: Oh ! Je suis certaine qu’il plaisante…
Charles-Edouard
: Moi aussi…
Jules
: Ah, mais pas du tout ! Il faut au moins 50 Versailles pour
être l’équivalent de Paris…
Charles-Edouard
: Vous savez que nous voulons devenir la capitale de France ?
Marie-Clothilde
: Ce serait le retour de la grande époque ! Avant le
drame de la révolution…
Jules
: Pffff ! (Il étouffe son rire).
Charles-Edouard
: Ne riez pas ! J’ai personnellement écrit au
Président de la République pour lui suggérer de
remettre Versailles comme capitale…
Jules
: Ah, ah, ah ! C’est trop drôle !
Charles-Edouard
: Cela n’a rien de cocasse ! Je préconise
Versailles capitale de France et la Versaillaise comme Hymne
National !
Jules
: Je rêve ! Je suis dans une autre dimension !
Charles-Edouard
: Moi aussi, j’ai l’impression de rêver en
dégustant cette délicieuse mante religieuse !
Jules
: Comme j’ai du mal à la couper, je vais
prendre un couteau.
Jules prend un
couteau, il essaye de couper le gâteau, mais il se blesse.
Jules
: Hum ! Je me suis fait mal…
Charles-Edouard
: Je suis certain qu’il l’a fait exprès !
C’est un maso…
Marie-Clothilde
: Je vais exorciser ce démon !
Marie-Clothilde
se lève, elle prend une Croix Chrétienne et elle la
brandit sur Jules.
Marie-Clothilde
: Vadé, Rétro, Satanas !
Charles-Edouard
: Ça ne lui fait rien ! Je vous rappelle
Marie-Clothilde que les masochistes sont des Nazis…
Marie-Clothilde
: Oui, vous avez raison ! Vadé, Rétro,
Hitlernas !
Jules
: Oh, oui ! C’est bon ! Merci, Marie-Clothilde…
Charles-Edouard
: Jules aime souffrir ! C’est une honte…
Jules
: Pas plus que d’apprécier les jolies femmes…
Charlotte
: Vous me trouvez jolie ?
Jules
: Vous êtes ravissante !
Charlotte
: Comment trouvez-vous ma petite culotte ?
Jules
: Elle est beaucoup trop longue…
Emeline
: Oh, Charlotte ! Pourquoi êtes-vous habillée
en petite tenue ?
Charlotte
: Il fait trop chaud dans cette maison…
Marie-Clothilde
: On pourrait ouvrir la fenêtre…
Emeline
: Non, j’ai une meilleure idée…
Emeline se lève,
elle s’approche de la soubrette, elle l’attrape et elle
la met sur son dos.
Charlotte
: Qu’est-ce que vous allez me faire ?
Emeline
: Vous allez voir…
Marie-Clothilde
: Ne lui faîtes pas de mal ! Ce n’est qu’une
pauvre fille…
Emeline
: Puisqu’elle a trop chaud, sa place est dans le
réfrigérateur…
Charles-Edouard
: Ma fille ! Soyez charitable !
Emeline
: Il n’en est pas question…
Emeline s’en
va dans la cuisine en tenant la soubrette sur son dos et elle revient
au bout de quelques instants.
Marie-Clothilde
: J’espère que vous n’avez pas mis cette
malheureuse dans le réfrigérateur…
Emeline
: Non, rassurez-vous !
Marie-Clothilde
: Votre générosité Chrétienne vous
honore !
Emeline
: Je suis généreuse mais… pas trop !
J’ai mis Charlotte dans le congélateur !
Marie-Clothilde
: Oh ! La pauvre soubrette !
Charles-Edouard
: J’aurai apprécié que Jules et la domestique
vivent ensemble une belle histoire d’amour !
Marie-Clothilde
: Si j’ai bien compris… C’est vous qui lui
avez demandé de servir le thé en petite tenue ?
Charles-Edouard
: Oui, très chère !
Marie-Clothilde
: Charles-Edouard ! Vous êtes un Léonard !
Charles-Edouard
: Je vais utiliser la manière forte pour me débarrasser
de son soupirant…
Marie-Clothilde
: On n’a plus le choix…
Charles-Edouard
: Emeline, ma chérie ! Il faut que je vous parle…
Emeline
: Père ! Je vous écoute…
Charles-Edouard
: Je possède ce magnifique manoir à Versailles et
deux autres en Province. Je suis également propriétaire
de plusieurs appartements sur la Côte d’Azur. Je dispose
aussi de cinq somptueuses voitures et d’un magnifique voilier.
Emeline
: Oui et alors ?
Charles-Edouard
: Si vous épousez ce gueux, je vous renierai en tant que
fille et je vous déshériterai !
On entend la
sonnerie qui retentit.
Emeline
: Qui cela peut bien être ?
Jules
: Vous allez voir…
Emeline avance
jusqu’à la porte de l’entrée, ensuite elle
l’ouvre.
VOIX-OFF
DU FACTEUR : Tenez, Mademoiselle Emeline ! C’est
pour vous…
Emeline
: Merci, Monsieur le facteur !
Emeline revient
en tenant dans les mains un immense cadeau.
Emeline
: Je suis impatiente de le découvrir…
Emeline arrache
le papier du cadeau et elle découvre une peinture qui est son
autoportrait. La jeune fille regarde ensuite Jules avec insistance.
Emeline
: Il est magnifique ! C’est toi qui l’as peint ?
Jules
: Oui, c’est moi…
Emeline
: Merci ! C’est le plus beau cadeau que l’on ne
m’a jamais offert…
Jules
: Tu es prête à me suivre dans mon studio de 12
mètres carré à Sartrouville ?
Emeline
: Oui, je renonce à l’héritage par amour pour
toi !
Jules
: Je suis très touché…
Emeline
: Ton amour a tellement plus de valeur…
Charles-Edouard
: Fille indigne ! Vous déraisonnez !
Marie-Clothilde
: C’est dommage qu’il soit plus inspiré pour
peindre Emeline que sa future belle-mère…
Jules
: C’est normal ! On ne peut pas faire un chef d’œuvre
quand l’original est égratigné…
Marie-Clothilde
: Oh ! Quel goujat !
Jules
: C’est vrai, Emeline ? Tu es prête à
renoncer à cet important héritage ?
Emeline
: Oui, mon trésor ! Je te le promets…
Jules
: Tu viens de m’apporter la plus grande preuve d’amour
que personne ne m’a jamais donné !
Emeline
: C’est normal. Je t’aime…
Jules
: Tu sais, Emeline ? Tu n’es pas au bout de tes
surprises…
Emeline
: Que veux-tu m’annoncer ?
Jules
: Tu ignores que Jules Rafieux, ce n’est pas mon vrai nom…
Je m’appelle Henri De La Champelière. Je suis l’héritier
de la plus grande fortune de France !
Emeline
: Pourquoi, tu t’es fait passer pour un pauvre aux vilaines
manières ?
Jules
: Pour avoir la preuve de ta sincérité ! Je voulais
que tu m’aimes pour la pureté de mon cœur et non
pas à cause de ma grande fortune…
Jules s’approche
d’Emeline et ils s’embrassent longuement sur la bouche.
Marie-Clothilde
: Oh ! C’est répugnant !
Charles-Edouard
: Moi aussi, je suis outré !
Emeline
: Henri ! Tu seras toujours mon jules…
Jules
: Allons dans mon immense château de Soisson ! Nous
aurons plus d’espace que dans cette petite bicoque de rien du
tout…
Emeline
: Tu as raison ! Je te suis…
Jules et Emeline
avancent en se tenant la main et ils s’approchent de la porte
d’entrée.
Jules
et Emeline : Adieux, les gueux !
Emeline et Jules
sortent de scène.
Charles-Edouard
: Vos oreilles chastes ont-elles entendu la même chose que
moi ?
Marie-Clothilde
: Oui, on s’est fait traiter de gueux !
Charles-Edouard
et Marie-Clothilde s’évanouissent.
VOIX-OFF
DE CHARLOTTE : Je suis gelé dans le congélateur !
Vous venez m’ouvrir ? Vous êtes comme tous les
Aristos ! Vous êtes des Catholiques que pour vous donner
bonne conscience ! Vous êtes Catho mais… pas trop !
Fin

|